Ou comment je m'en suis sortie
Déjà cinq jours que je suis revenue et que je n'ai pas encore pris le temps de raconter ce voyage de classe. "Voyage de classe" parce que "Classe verte" induit quelque chose d'un peu primesautier. Une forme de naïveté enfantine qui s'est évanouie au bout de cinq minutes de voyage.Jour 1 : "GO"
Mais avant même le départ, je me dois de décrire l'embarquement. Sur le trottoir devant l'école, une camionnette garée suivie d'une série de cinq voitures plus grosses les unes que les autres. Des enfants excités, des tas de bagages et sacs de couchage, et une dizaine de frigos de pique-nique et autant de large caisses en plastique. Pères et mères s'activent pour charger le tout dans le coffre des voitures et de la camionnette loué par un papa... Et zou... Le convoi s'ébranle pour plus de 6 heures de voyage.
Me voilà donc en voiture, conduite par S., en compagnie de 3 garçons de la classe. Après les présentations, j'entame, enthousiaste, le début de ma liste de sujets de conversation. J'en choisis un facile, histoire de mettre tout le monde à l'aise. Un sujet qui a fait ses preuves parce qu'il ouvre sur d'autres : le logement à SF... Mais avant même de laisser parler mon interlocutrice conductrice, j'aperçois l'un de mes protégés qui sort de son sac à dos un Opinel aiguisé à souhait. Regard paniqué vers les issues possibles de la Prius à bord de laquelle j'ai pris place. "Les sorties de secours se trouvent à l'avant, au milieu et à l'arrière de la cabine"...? Quand les deux autres enfants sortent à leur tour qui son couteau suisse qui son canif énorme. Et mon cerveau en pleine phase transitionnelle d'adaptation transfère l'image des trois bambins armés à une classe verte en France...
Une pleine page dans la Provence, rubrique Faits Divers : "Ils partaient en classe verte armés. Trois élèves de l'école Schmoll à Michounette-les-Oies ont égorgé leur professeur et les parents accompagnateurs devant leurs camarades indifférents sur l'aire de camping de Plouf-sur-Rivette. Une mère a bien tenté de donner l'alerte mais s'est pris les pieds dans une peau d'ours oubliée là par un précédent campeur." etc.
Mais les passagers ont déjà rangé leur couteau, et entament leur premier "snack" de la journée. Arrosé de leur première gourde d'un litre d'eau. (Il a été spécifié d'emmener deux gourdes d'un litre AU MOINS (c'était en majuscule) par enfant. Afin qu'ils puissent beaucoup boire pour lutter contre le mal de montagne). Mon pilote, elle, continue de deviser sur les prix délirants du logement à San Francisco... Qui lui permettront d'aborder par la suite, les prix délirants de tout à San Francisco. Et ainsi d'enchaîner sur l'école, qui est le théâtre de luttes intestines comme toute autre école sur la terre... La terre qui est un astre... Dans le système solaire... Je n'ai pas eu besoin de piocher d'autres sujets de conversation dans ma liste. Le voyage est passé tout seul.
Le Mont Lassen |
Première nuit sous la tente. Après avoir tenté d'analyser tous les bruits de grignotages, pas et courses, frôlements divers et variés d'une vie hyperactive qui se déploie avec la tombée de la nuit, une lumière se braque sur la toile de mon modeste abri. Je regarde l'heure : 2 heures du matin. Il fallait évidemment que ça tombe sur moi. Ça ne loupe jamais. Le tueur du Mont Lassen a choisi ma tente. Forcément. N'écoutant que mon courage j'articule avec tout l'aplomb que je peux fournir pelotonnée dans mon ample duvet, un "Who is it ?" censé faire diversion. Voire peur. Mais bon, plutôt diversion en fait. Parce qu'on est d'accord : le gars, il ne peut décemment pas me répondre : "Je suis le tueur du Mont Lassen et je viens t'exécuter parce que tu ne campes pas assez." Ou "J'aime pas comme tu as monté ta tente. Tu mérites de mourir." Ou "Je suis un grizzly deux point zéro, je voulais te montrer ma nouvelle appli lampe de poche sur mon iPhone 6". Quand une petite voix bien connue m'interpelle : "Maman ? C'est moi, Téa, je n'arrive pas à dormir... J'ai mal au ventre". Mon grizzly mesure 160 cm, est blond comme les blés et a ses grands yeux bleus ouverts, mouillés de larmes... Ma Téa a mal au ventre parce qu'on a mangé du Chili au dîner, et dans une chambre partagée avec 6 autres gamines, il est difficile de laisser la digestion se faire... Je vais donc prévenir la maman qui chaperonne son chalet. Cette dernière non seulement se lève pour serrer Téa dans ses bras et proposer des médicaments, mais va dans sa voiture chercher un matelas (celui du camping intempestif), nous accompagne jusqu'à ma tente et se met à gonfler à pleins poumons ledit matelas. Il est 2h15 du matin, il fait un froid de gueux, il y a des grizzlys et des tueurs en série embusqués derrière chaque arbre et cette femme, en chemise de nuit, pieds nus, s'occupent du bien-être de mon enfant. Je m'incline. Et lui saurai gré éternellement.
Jour 2 : le "Cinder Cone"
6 heures du mat', j'ai des frissons, je claque des dents mais je ne monte aucun son. Il n'y en a pas. Calme absolu du petit matin. Le soleil se lève au moins aussi péniblement que moi. Je passe une tête échevelée par le zip de ma tente... La maîtresse est là, pimpante. Il faut s'habiller et rejoindre la table de notre groupe de repas pour donner les indications pour la préparation du petit déj. Je rappelle au passage qu'il n'y a aucune douche. Que ce matin-là je ne soupçonne pas encore l'existence des toilettes chauffées (qui vont vite me sembler d'un luxe inouï) avec chasse d'eau, robinets et lavabos. Non, ce matin-là je pratique seulement les toilettes sèches. Et l'arrivée d'eau extérieure. Réveil garanti. Je rejoins mon petit groupe de 7 élèves, dont Téa fait partie ainsi que la maîtresse. Chaque groupe dispose d'un réchaud, d'une casserole et d'une poêle, d'un frigo et d'une caisse remplis des ingrédients nécessaires aux repas de TOUT le séjour. Les menus ont été élaborés par une maman de la classe, qui a organisé la préparation préalable d'un certain nombre de plats par d'autres parents (j'ai contribué en cuisant 24 oeufs durs !). Le menu de ce premier petit déj : oeufs brouillés et saucisses, fraises, yaourts. Au cours des prochains petits déjeuners nous aurons des tortillas, du porridge, un gâteau aux pommes... Les enfants se partagent les tâches allant de la cuisson à la vaisselle en passant par la réorganisation du frigo et de la caisse de nourriture. Qui sont soigneusement rangés dans les "bear boxes", sorte d'armoires extérieures verrouillées pour échapper à la curiosité d'un ours. Ou d'un tueur en série.
On se réunit autour d'une autre table où sont disposées diverses denrées pour l'élaboration du repas de midi que chacun se prépare tout seul. Les parents se divisent ensuite les 18 tonnes de noix, fruits, et autres crackers des 32 snacks de la journée. Et c'est parti pour notre première randonnée. 5 heures de marche à la découverte et l'ascension du Cinder Cone, volcan de cendres éteint.
Juste avant d'entamer la montée sur le chemin que l'on distingue à droite du volcan, après le 12e snack de la matinée, la maîtresse réunit tout le monde et annonce que cela va être très difficile. La tradition veut que sur ce chemin, on fait trois pas en avant et deux en arrière. Mais aucun plainte, aucun gémissement ne sera toléré. Je traduis à Téa qui me saisit la main. De l'autre, je cherche mon bandana rouge, pour me le nouer autour du front.
A suive... (To be continued...)
6 heures du mat', j'ai des frissons, je claque des dents mais je ne monte aucun son. Il n'y en a pas. Calme absolu du petit matin. Le soleil se lève au moins aussi péniblement que moi. Je passe une tête échevelée par le zip de ma tente... La maîtresse est là, pimpante. Il faut s'habiller et rejoindre la table de notre groupe de repas pour donner les indications pour la préparation du petit déj. Je rappelle au passage qu'il n'y a aucune douche. Que ce matin-là je ne soupçonne pas encore l'existence des toilettes chauffées (qui vont vite me sembler d'un luxe inouï) avec chasse d'eau, robinets et lavabos. Non, ce matin-là je pratique seulement les toilettes sèches. Et l'arrivée d'eau extérieure. Réveil garanti. Je rejoins mon petit groupe de 7 élèves, dont Téa fait partie ainsi que la maîtresse. Chaque groupe dispose d'un réchaud, d'une casserole et d'une poêle, d'un frigo et d'une caisse remplis des ingrédients nécessaires aux repas de TOUT le séjour. Les menus ont été élaborés par une maman de la classe, qui a organisé la préparation préalable d'un certain nombre de plats par d'autres parents (j'ai contribué en cuisant 24 oeufs durs !). Le menu de ce premier petit déj : oeufs brouillés et saucisses, fraises, yaourts. Au cours des prochains petits déjeuners nous aurons des tortillas, du porridge, un gâteau aux pommes... Les enfants se partagent les tâches allant de la cuisson à la vaisselle en passant par la réorganisation du frigo et de la caisse de nourriture. Qui sont soigneusement rangés dans les "bear boxes", sorte d'armoires extérieures verrouillées pour échapper à la curiosité d'un ours. Ou d'un tueur en série.
On se réunit autour d'une autre table où sont disposées diverses denrées pour l'élaboration du repas de midi que chacun se prépare tout seul. Les parents se divisent ensuite les 18 tonnes de noix, fruits, et autres crackers des 32 snacks de la journée. Et c'est parti pour notre première randonnée. 5 heures de marche à la découverte et l'ascension du Cinder Cone, volcan de cendres éteint.
Juste avant d'entamer la montée sur le chemin que l'on distingue à droite du volcan, après le 12e snack de la matinée, la maîtresse réunit tout le monde et annonce que cela va être très difficile. La tradition veut que sur ce chemin, on fait trois pas en avant et deux en arrière. Mais aucun plainte, aucun gémissement ne sera toléré. Je traduis à Téa qui me saisit la main. De l'autre, je cherche mon bandana rouge, pour me le nouer autour du front.
A suive... (To be continued...)
Tu nous lâches comme ça en plein suspens.
RépondreSupprimerPffffff.
La suite!
RépondreSupprimerLa suite!
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